L’Etat, c’est nous !

La Justice vient de condamner l’Etat pour carence fautive dans la lutte contre le changement climatique.

« C’est bien fait ! Que le gouvernement se débrouille et arrête de nous emmerder avec sa taxe carbone, ses limitations de vitesse et ses normes en tous genres. La prochaine fois qu’il nous empêche de vivre, c’est pas 2 millions qu’on sera à signer une pétition, mais dix ! » Cette remarque, je l’entends dans le regard de mes interlocuteurs lorsque je leur rappelle la gravité de la menace climatique et l’urgence qu’il y a à réduire notre consommation d’énergie .

Le danger de cette décision de justice est que les gens, confondant Etat et gouvernement, ne se sentent dégagés de toutes responsabilités.

Pourtant, lorsque l’écotaxe poids-lourds a été mise en place, les bonnets rouges sont descendus en nombre sur les autoroutes, ils ont détruit les portiques et le gouvernement a reculé. De qui vient cette carence fautive?

Et lorsqu’une faible augmentation de la taxe carbone a été annoncée, les gilets jaunes ont investi les ronds-points et les centres-villes et le gouvernement a reculé. Qui est fautif ?

Ces deux mesures, dont l’application a échoué, ne sont qu’une petite partie des contraintes qu’il faudra mettre en place pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur le Climat. Elles comptent parmi les moins douloureuses. Baisser de 40% (voire de 55%*) en moins de 10 ans les émissions de gaz à effet de serre n’est pas une petite affaire. Aussi, il paraît évident qu’un gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, ne pourra pas imposer les mesures contraignantes indispensables sans l’appui d’une majorité de la population.

J’ai bien peur que cette décision de justice, en condamnant l’Etat au risque de déresponsabiliser les citoyens, ne soit contreproductive.

D’après le dictionnaire Larousse, l’Etat est une entité politique constituée d’un territoire délimité par des frontières, d’une population  et d’un pouvoir institutionnalisé. Attaquer l’Etat en justice n’a pas de sens. L’Etat démocratique (le sol + les citoyens-consommateurs-électeurs + les élus), c’est nous !

Assumons nos responsabilités. Acceptons-en les contraintes, sans perdre de temps en fumeux combats judiciaires où les citoyens-consommateurs-électeurs que nous sommes s’attaquent eux-mêmes en se berçant d’illusions.

Jacques Boulan / 4 février 2021

Dans un billet précédent, j’ai fait une proposition qui, si elle était mise en œuvre, permettrait peut-être de construire une majorité de citoyens prêts à accepter ces contraintes indispensables. Il s’agit de créer un Certificat d’Etudes Climatiques dont la possession serait obligatoire pour certaines fonctions, à commencer par les élus. Pour découvrir cette proposition :

https://climathic.fr/2020/07/27/une-formation-climatique-obligatoire-pour-tous/

*L’Union Européenne vient de rehausser l’objectif de réduction des émissions, comme cela était prévu dans l’Accord de Paris.

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Lorsque le recours en justice a été déposé par quatre ONG j’avais réagi dans un article intitulé « L’affaire du siècle ??? » publié ici même le 22 décembre 2018 que vous pouvez lire en suivant ce lien :

https://climathic.fr/2018/12/22/climat-laffaire-du-siecle/

5 commentaires sur “L’Etat, c’est nous !

  1. Bonsoir Jacques, L’Etat démocratique (le sol + les citoyens-consommateurs-électeurs + les élus), c’est nous ! Oui, je viens de t’envoyer le petit journal pelaud qui opte pour le même chemin ☺ Maintenant on est trop vieille pour se laisser décourager, amitiés, Hanne Walter

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  2. Bonjour Jacques, je trouve que ta formule « l’Etat c’est nous » est un raccourci facile, même si ta formule est vraie, le Président est bien le chef de l’Etat, c’est lui qui prend les décisions, ce n’est pas nous. Il n’a pas renié l’accord de Paris, alors vues l’urgence et la gravité du problème, il se doit de prendre les décisions pour tenter d’atteindre les objectifs de cet accord. Il est donc normal et logique de l’interpeler si les décisions prises sont jugées insuffisantes.
    Signer une pétition est facile et n’engage pas beaucoup, je suis d’accord. De très nombreuses pétitions circulent avec plus ou moins de succès, pourquoi celle-ci a obtenu le record de 2.300.000 signatures? Pourquoi traiter tous ces signataires d’irresponsables ?
    Puisque tu n’as pas signé cette pétition, tu ne peux pas te mettre à la place des signataires et leur prêter des sentiments qu’ils n’ont pas.
    Non, tout n’est pas réglé parce qu’un tribunal a condamné l’Etat.
    Oui, il faut des mesures efficaces,contraignantes, et SOCIALEMENT JUSTES.
    Non, l’Etat ne peut pas tout faire tout seul.
    Oui, chacun de nous doit faire sa part d’efforts.
    Oui, » l’affaire du siècle » est une victoire par le nombre de signatures et par la rapidité de la décision du tribunal ( 2 ans ou lieu de 5 ou 10 selon ton pronostique) Mais ce n’est qu’une étape bien sûr.
    Pour 2021, tu invites à de grandes marches pour le climat, il y en a eu déjà eu, il faut en faire d’autres, mais avec qui ? Avec les 2.300.000 signataires que tu as dénigrés ?
    Il y a une grande diversité de personnes et d’organismes qui luttent contre le changement climatique, avec des chemins, des méthodes, des actions différentes, soyons tolérants pour pouvoir marcher ensemble….
    Amicalement, Jean

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  3. Bonsoir Jean – « Soyons tolérants pour pouvoir marcher ensemble », je suis d’accord avec toi. « le chef de l’Etat. C’est lui qui prend les décisions », c’est vrai. Mais, c’est nous, enfin je veux dire le peuple, qui l’avons élu pour ça. Et c’est le peuple qui souvent l’empêche (par actions) ou le dissuade (par opinion) de mettre en œuvre les mesures fortes nécessaires pour atteindre les fameux objectifs.

    Dans cet article, je ne dénigre pas les 2,3 millions de signataires de la pétition. Je ne traite personne d’irresponsable. J’exprime un point de vue. Je critique la méthode employée par les 4 ONG qui ont déposé ce recours en justice. Je pense qu’on a tord de s’en réjouir comme d’une grande victoire. Je mets en doute l’utilité d’un tel jugement, car je crains que cela ne donne aux gens le sentiment que la solution du problème est entre les mains des responsables politiques, pas dans les leurs.

    Ce que je dis (ou ce que j’ai voulu dire) c’est qu’en accusant et jugeant l’Etat, on donne un coup d’épée dans l’eau et que l’on ferait mieux de consacrer son temps et son énergie à convaincre la population que son intérêt est de lutter contre le dérèglement climatique… dès maintenant.
    Amicalement, Jacques

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    1. Pour continuer la discussion, j’ai l’impression que tu fais l’amalgame entre « les signataires », les « bonnets rouges » et les » gilets jaunes ». Ce sont 3 mouvements populaires qui se sont succédés autour du même thème, mais qui n’ont pas le même sens.
      Ségolène Royal ne voulait pas d’écologie punitive, alors elle a reculé face aux bonnets rouges. Il aurait sans doute fallu plus de pédagogie, une autre modulation, ils étaient surtout présents en Bretagne.
      La colère des gilets jaunes est venue du rapprochement entre un cadeau fait aux riches (suppression partielle de l’ISF) et une pénalité pour les plus modestes, la taxe carbone qui pèse plus lourd pour les petits budgets. Cela ne faisait pas un ensemble « socialement juste ».
      L’affaire du siècle est très différente, elle montre une prise de conscience de plus en plus forte du changement climatique et demande à l’Etat de prendre des mesures ambitieuses,efficaces, contraignantes et socialement justes. Ce n’est en aucun cas une manière de se laver les mains de ce problème. C’est pourquoi je trouve des expressions : …se sentir dégager de toute responsabilité… et …fumeux combats judiciaires…plutôt méprisantes, fausses et mal venues.
      Attendons la suite des préconisations du tribunal (dans 2 mois) pour savoir si c’est un coup d’épée dans l’eau…
      Amicalement, Jean

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      1. Jean, il est possible que mon analyse soit fausse. Visiblement, elle est mal venue pour toi. Mais je peux t’assurer qu’elle n’est pas méprisante. Ce n’est pas mon état d’esprit. Par ailleurs, je pense qu’il faudra attendre un peu plus que 2 mois pour tirer un bilan de cette Affaire. Amicalement, Jacques

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